samedi 12 janvier 2019

Remèdes

Berck Plage (62)






 La Pharmacie Centrale de Berck vous propose depuis 1890 toute une série de remèdes pour les petites épidémies de l'hiver.  Si on a oublié la Névaziline  (névazil, en turc , signifie rhume de cerveau..), on connait mieux  les yohourt kephir (du lait fermenté  à partir d'un levain constitué essentiellement de bactéries lactiques et de levures) ou  les pastilles Monléon à base de bleu de méthylène qui furent vendues jusqu'en 2007....

.....et surtout l'essence algérienne, élaborée localement dès 1905 par le pharmacien  Léon Touhladjian à partir d'extraits d'eucalyptus (importé d'Algérie.. d'où le nom), de menthe et de bois de gaïac.  A utiliser, pour décongestionner les voies respiratoires en cas de gros rhume !,Le remède aurait, selon la légende, «guéri l’une des filles du pharmacien atteinte d’une coqueluche compliquée d’une broncho-pneumonie», laquelle fille serait celle qui figure sur l’emballage des flacons.


extrait d'un "publi-reportage"  de 1916 dans le Petit Journal




   Ces produits sont aujourd'hui commercialisés par les laboratoires Toulade... une "francisation" du nom de leur créateur, Touhladjian.... un sacré personnage



  Léon-Hayrabet Touhladjian nait en 1864 à Istamboul,  où il étudie la pharmacie . Attiré très tôt par  la France, il  y émigre dès la fin de son cursus.
  Première difficulté à son arrivée: son diplôme ottoman n'y est pas valable. Pour survivre, Touhladjian collectionne les «petits boulots». Avec le soutien d'un pharmacien impressionné par son courage , il parvient à se faire reconnaitre  par l'Assistance Publique – Hôpitaux de Paris qui l'engage  à l'Hôpital Maritime de Berck et lui permet de passer son diplôme de pharmacien de première classe en juin 1899. Dès 1890, son professionnalisme  et sa fibre  commerciale l'amènent à créer son officine, à l'angle de la rue Carnot et de la rue de l'Impératrice.




  Sa demande de  naturalisation  française est acceptée en avril 1895.

  Touhladjian  a aussi  une formation de «radiographe » Le principe de la radiographie a eté découvert  en 1895 par Roentgen.  Dès 1900, le français Victor Ménard sollicite un appareil à rayons X à l’administration qui le considère comme un gadget . Touhladjian, ami de Ménard ,  équipe en 1901 sa propre pharmacie  de cet outil de  diagnostic révolutionnaire..  Pus tard  l’Hôpital Maritime finit par se doter lui aussi du matériel de radiologie indispensable....  mais le pharmacien en reste l'opérateur  attitré pendant 25 ans, sans apparemment souffrir de l'exposition aux dangereux rayons X.


la "Pharmacie - Radiographie" en 1905




  En 1921, il est décoré de la médaille de bronze de la Reconnaissance française,  pour avoir "organisé  à ses frais le service pharmacie de l’hôpital civil et militaire de Boulogne-sur-Mer, du début de la guerre à mars 1915, et dans les mêmes conditions, la radiographie dans les hôpitaux de Berck-sur-Mer »
   En  1933, le pharmacien gagne  un million de francs à la 3e tranche de la Loterie Nationale  (environ 800 000€ d'aujourd'hui)..; qui lui permettent de gâter ses enfants et petits enfants auxquels il semble très attaché: une de ses filles est représentée sur l’étiquette du flacon de l’Essence algérienne, et les pastilles MonLéon sont probablement baptisés du prénom  de son fils ( également nommé Léon....)
   Léon-Hayrabet Touhladjian décède en 1941.

la pharmacie dans les années 50

 Son fils, Léon-Joseph Touhladjian est maire de Poissy (en région parisienne)  de 1951 à  1967,  où il fait construire en 1967,  l'hôpital local  nommé «Centre hospitalier Léon Touhaldjian ».

3 commentaires:

  1. Quelle épopée !!! Merci pour cet article super intéressant !

    RépondreSupprimer
  2. Parti du petit flacon d’essence algérienne que j’ai devant moi, me voilà désormais renseigné, très intéressante histoire. Merci pour l'article et les photos.

    RépondreSupprimer
  3. Merci beaucoup pour ce magnifique article, superbement documenté ! Je suis partie d'une simple image de l'essence algérienne, pour suivre avec cette recherche sur son créateur... Vraiment intéressant ! J'utilisais l'essence algérienne dans les années 60, et il m'a fallu attendre près de 70 ans pour m'intéresser à son origine... Mais il n'est jamais trop tard pour apprendre. Encore merci !

    RépondreSupprimer